Préface du traducteur
La Médecine homoeopathique
domestique, publiée en allemand, il y a trente ans (*1), est
un de ces livres dont le succès complet et légitime se
trouve justifié par le but que l'auteur voulait atteindre,
l'importance des services qu'il a su rendre, la pensée qui
avait inspiré son oeuvre.
Profondément convaincu de la supériorité de l'homoeopathie
sur les doctrines rivales, frappé en même temps de l'isolement où se
trouvent souvent placés ceux qui confient leur santé à la thérapeutique
hahnemannienne, le docteur Hering avait voulu réunir les indications
auxquelles répondent les médicaments homoeopathiques les plus usités. Il
espérait ainsi pouvoir mettre entre les mains de l'homme du monde un guide
sûr pour les premiers soins que l'on doit donner aux malades dans le cas où
la distance empêcherait le médecin d'accourir à la moindre apparence de
danger.
L'entreprise était hardie; mais elle fut conduite avec
assez d'habileté et de prudence pour réussir entièrement. Aussi l'ouvrage
dont je publie aujourd'hui une traduction nouvelle a-t-il été, dans l'espace
de vingt-cinq ans, réimprimé douze fois en allemand, cinq fois en anglais,
plusieurs fois en espagnol et quatre fois en français.
Ce fut en 1848 que le docteur Léon Marchant, de
Bordeaux, nous le fit connaître. Depuis cette époque, notre honorable
confrère présida lui-même à quatre éditions successives; et, si la mort ne
l'eût enlevé si vite à la science et à l'homoeopathie, nul doute qu'il n'eût
entrepris encore cette nouvelle publication.
Mais, dans les conditions actuelles, une énorme
difficulté se présentait pour conserver à l'oeuvre de notre éminent confrère
toute son originalité. Léon Marchant avait, en effet, traduit sur le texte
anglais, et, depuis l'apparition de ce dernier, Hering avait publié sa
douzième édition allemande, laquelle offrait avec l'ouvrage américain de
très nombreuses différences, différences que l'auteur avait signalées et
dont il s'était plaint avec quelque amertume.
Le grand point étant de revenir à l'exactitude du
texte, il fallait traduire à nouveau sur l'allemand même; c'est ce travail
que je viens d'accomplir et que j'offre aujourd'hui aux amis de l'homoeopathie.
En réfléchissant toutefois aux reproches que j'avais
entendu articuler contre l'oeuvre du docteur Hering par ceux qui s'en
étaient servi, j'ai cru qu'il ne suffirait pas d'une simple traduction, mais
qu'il serait utile de compléter certaines parties laissées par l'auteur à
l'état d'ébauche, et qui se trouvaient surtout dans les prolégomènes.
Je ne croyais pas, en effet, qu'il fût inutile
d'esquisser les principes essentiels de la doctrine de Hahnemann;
contrairement à l'opinion nettement formulée par l'auteur, je pensais qu'on
ne pouvait donner trop d'indications sur le choix des médicaments, sur leur
mode d'administration et la répétition des doses. Le régime et l'emploi des
moyens accessoires me paraissaient devoir être mis plus en rapport avec les
habitudes françaises; enfin, l'hygiène méritait quelque attention. C'est
pour répondre à ces diverses nécessités que j'ai rédigé dans leur entier les
deux premières parties, qui portent pour titre Thérapeutique générale et
Hygiène.
Les trois parties suivantes, au contraire, qui
traitent des causes les plus communes des maladies, des maladies les plus
communes, enfin des médicaments et de leurs indications thérapeutiques
ont été simplement traduites. Je n'ai pas craint cependant d'y ajouter
quelquefois. C'est ainsi que, pour les lésions externes, j'ai insisté sur
les premiers soins à donner à un blessé, et sur les bandages; que, plus
loin, j'ai donné quelques conseils pour le traitement de la fièvre typhoïde,
de la bronchite, etc. Toutes ces additions sont placées à la suite du texte,
dont elles se trouvent séparées par deux crochets [ ].
Je me suis encore permis une autre modification;
c'est-à-dire que j'ai changé sur plusieurs points l'ordre adopté par
l'auteur. Les maladies générales, par exemple, ont été mises avant les
maladies localisées, et quelques-unes des affections placées par le docteur
Hering dans une de ces catégories, ont été transportées dans l'autre. Mon
but, en agissant ainsi, a été de mettre, autant que possible, le livre que
je traduisais en rapport avec les notions générales de la science et les
principes posés par Hahnemann en pathologie.
Comme dans un livre de cette nature on ne saurait
apporter trop de précision, j'ai demandé à des ouvrages spéciaux la
confirmation des données indiquées par Hering; ce qui m'a conduit à
comparer, par exemple, le chapitre des maladies de la gorge à l'excellent
travail du docteur Chancerel fils (*2), et m'a fait soumettre le chapitre
relatif aux maladies des yeux au docteur A. Boyer, qui s'est depuis
longtemps occupé d'appliquer à l'ophtalmologie les richesses de la
thérapeutique homoeopathique.
Un point très important pour les malades étant de
savoir consulter leur médecin, quand ils en sont séparés, j'ai demandé au
docteur Jahr l'autorisation de transcrire intégralement son Questionnaire
(*3), et il me l'a gracieusement accordée.
Enfin, j'ai pu intercaler dans le texte un grand
nombre de figures; c'est un secours toujours précieux en ce sens qu'il
facilite une explication et permet souvent de la mieux comprendre. "L'oeil,
a dit Horace (*4), est plus fidèle et plus prompt que l'oreille à tout
comprendre, à tout dire à l'esprit" :
Segnius irritant animos demissa per
aurem
Quàm quae sunt oculis subjecta fidelibus.
Ainsi, rien ne m'a manqué pour donner au livre du
docteur Hering toute l'importance qu'il mérite; ma bonne volonté n'a pas été
au-dessous. J'ai donc l'espoir que cette traduction nouvelle sera accueillie
avec la même bienveillance que ses devancières.
Tous ceux qui voudront y recourir devront se rappeler
seulement que c'est pour s'être conformé en tous points à l'enseignement de
Hahnemann, qu'Hering a pu faire un manuel utile, et que l'emploi de ce livre
sera d'autant plus aisé que l'on se sera mieux pénétré des principes et de
la méthode qui constituent la doctrine homoeopathique (*5). Lorsqu'ils
auront apprécié l'enchaînement rigoureux de cette dernière et les bienfaits
de son application, ils comprendront comment les médecins homoeopathes ont
encouru ce reproche d'exclusivisme qu'on leur adresse sans raison, et qui
est leur seule garantie contre un scepticisme sans résultat et un éclectisme
sans objet.
Paris, 15 mars 1867.
Docteur LÉON SIMON FILS.
Exemple