COLOCYNTHIS
Jacques Millemann; Dr. Vétérinaire
I - NOM ET SYNONYMIES
- Allemand : Koloquinte.
- Anglais : Bitter apple; Bitter cucumber.
- Français : Coloquinte.
- Latin : Citrullus colocynthis
Schrad.; Curcumis colocynthis.
Appellation usuelle :
Colocynthis. En abrégé : Coloc.; chez Clarke :
Col.
II - NATURE DU REMÈDE
1 - Nature Botanique
C'est une plante herbacée rampante du pourtour de la
Méditerranée, de la famille des Cucurbitacées. Elle a des
vrilles opposées aux feuilles découpées, et porte des fruits
jaune-verdâtres, charnus, à pulpe blanchâtre et très amère,
globuleux, d'une dizaine de cm, à écorce ligneuse : les
coloquintes. Originaire des confins désertiques (Sahara),
elle ne doit pas être confondue avec sa cousine la
calebasse, dont l'écorce du fruit, beaucoup plus grand, sert
de récipient en Afrique.
2 - Place Systématique
La coloquinte fait partie des dicotylédones gamopétales
(pétales des fleurs soudés), à ovaire infère. Il se classe
dans l'ordre des Cucurbitales qui comporte une seule
famille, celle des cucurbitacées. Cette dernière se
caractérise par la présence de deux cercles libéroligneux
dans les tiges et les racines. Les 5 étamines sont
généralement partiellement ou entièrement (Bryone) soudées,
la cinquième pouvant rester libre. Les étamines à une seule
loge, sont plus ou moins contournées. Les fleurs sont
unisexuées dans certaines espèces. Dans le genre Citrullus,
la soudure de la corolle est réduite à la base.
3 -
Composition et Principes Actifs
Aux résinoïdes
irritants (bryorésines) et aux alcaloïdes de la Bryone
(élatéricine, cucurbitacine…), il faut ajouter un alcaloïde
non modifié par la dessiccation : la colocynthine, ainsi que
de l'acide caféique, et de l'acide férulique. C'est l'un
des purgatifs les plus drastiques qui soient.
4 -
Mode De Préparation
Elle est classique et se fait à
partir de la pulpe fraîche ou desséchée des fruits récoltés
à maturité, écorcés et épépinés.
III -
TOXICOLOGIE
Survient par consommation de la plante.
Elle concerne surtout les herbivores : Bovins, ou plus
rarement Équins. Il arrive que des Porcs soient touchés. Le
seul traitement est symptomatique (adsorbants comme le
charbon activé, tranquillisants, pansements
gastro-intestinaux).
1 - Aiguë
Stupeur,
incoordination motrice, opisthotonos et convulsions.
Dyspnée, exophtalmie, pouls faible, priapisme.
Hypothermie et mort rapide.
2 - Chronique
Nausées, sueurs, coliques violentes, diarrhée intense,
aqueuse avec ténesme et polyurie.
3 - Autopsie
Gastro-entérite aigüe, œdème pulmonaire, et congestion
généralisée de l'appareil digestif, parfois même avec
perforation. Pétéchies voire hémorragies sur les
muqueuses digestives et les reins.
IV - USAGES
ALLOPATHIQUES
C'est un purgatif drastique et
dangereux, pratiquement inutilisé à cause de son amertume
extrême, et du danger de son usage. La pulpe du fruit a
cependant été utilisée sous forme de "vin de coloquinte" (5
g De pulpe macérée pendant 8 jours dans du vin de Madère : 1
cuillérée à soupe toutes les heures, jusqu'à obtention de
l'effet), ou associée sous forme d'extrait à l'aloès et la
scammonée (à 0,05 g dans des pilules purgatives). Une
décoction de graines et de la pulpe des fruits a été
utilisée en lavages pour lutter contre les fourmis et les
cafards.
V - ACTION HOMÉOPATHIQUE GÉNÉRALE DU
REMÈDE
La coloquinte a un tropisme nerveux
périphérique (névralgies…), un autre plus gastro-intestinal,
et enfin un tropisme uro-génital. Pour Mezger, tous les
organes creux de l'abdomen (estomac, vésicule biliaire,
vessie, intestin, urètre etc.) peuvent être frappés de
crampes ou de douleurs tranchantes extrêmement violentes,
survenant brusquement, par crises qui se répètent, obligeant
à se plier en deux, car améliorés par la pression forte.
Colocynthis, administré entre les crises, permettrait
d'éviter le recours aux analgésiques allopathiques, à
condition que l'on ait respecté les modalités du remède.
Sommeil agité, avec des crampes douloureuses, ou au
contraire insomnie, avec agitation due à une indigestion,
une indignation, une colère etc. Douleurs souvent d'un seul
coté.
VI - MODALITÉS, PÉRIODICITÉ, ÉTIOLOGIES
1 - Aggravations
Par le mouvement (net, même si
moins affirmé que pour Bryonia). Par tout ébranlement
(éternuement, toux, voiture…). Par le contact, ou le
simple poids d'une couverture. De suite après manger ou
après boire. La nuit. Toute colère, irritation,
frayeur ou émotion forte, surtout réprimée.
2 -
Améliorations
Plié en deux (douleurs abdominales).
Par le repos. Par la pression forte, couché sur le coté
ou le membre douloureux. En se cambrant (douleurs de la
hanche ou du bas du dos). Par la chaleur. Par le
mouvement violent (contrairement à Bryonia). Par
l'émission de selles et de flatulences (coliques).
3
- Étiologies
Violente émotion, surtout réprimée :
colère, indignation, vexation, frayeur. Abreuvement glacé
de l'animal échauffé. Indigestion. Suppression des
chaleurs ou de lochies.
VII - SYMPTÔMES
HOMÉOPATHIQUES
1 - Psychisme Et Émotionnel
Hypersensible, écorché vif, impatient, il ne peut rester
couché tranquille : il se tourne et se retourne violemment.
Très inquiet, angoissé, l'esprit ailleurs, il se vexe et se
fâche pour un rien. Un cercle vicieux s'amorce dès lors, car
il est fortement aggravé par les émotions violentes
(colères, vexations, humiliations…). Tendance à se
négliger.
2 - Symptômes Généraux
Pour Clarke,
la caractéristique principale du remède est une douleur
abdominale mortelle, obligeant le patient à se plier en
deux, et à se tortiller pendant toute la durée de la crise
douloureuse. Vertiges en tournant rapidement la tête,
avec tendance à la chute.
3 - Symptômes Régionaux
Organes Des Sens
Yeux
Douleurs oculaires, avec
diminution de la vision. Douleurs violentes avec strabisme
divergent de l'œil droit. Sècheresse et brulure aggravée par
le frottement. Larmoiement corrosif à droite.
Oreilles
Chaleur et obstruction de l'oreille. Prurit
irradiant de la trompe d'Eustache au tympan. Un doigt dans
l'oreille engendre une vive défense.
Nez
Coryza
fluent, douleur irradiant vers la racine du nez.
...
VIII - INDICATIONS - EXEMPLES D'UTILISATION CLINIQUE
Douleurs abdominales violentes, d'origines diverses
(coliques, dysenterie, ovarite, péritonite, névralgies,
sciatique, douleurs néphrétiques, utérines…); Arthrites,
notamment goutteuses ou rhumatismales. Dysplasie
coxo-fémorale, avec luxation spontanée de la hanche (dans le
répertoire). Coliques du cheval (cheval à la tête
meurtrie par les chocs subis en se débattant), surtout si
l'animal prend une position de chien assis ! (Donc plié en
deux) (Confirmé cliniquement A. & B. Czernicki).
IX - RELATIONS MÉDICAMENTEUSES
Colocynthis passe pour
être l'aigu de Magnesia phosphoricum. Si le patient présente
des sueurs acides et de la diarrhée, Magnesia carbonica sera
préférable. Colocynthis, Causticum et Staphysagria
forment le trio des remèdes de suites de colère !
1 –
Comparaisons
Basées Sur La Botanique
Dans
l'ensemble, les Cucurbitacées, Bryonia, Colocynthis ou
Elaterum, sont améliorées par la pression et en se pliant en
deux. Il y a quand même des différences dans les nuances :
- Bryonia est plus névralgique et plus inflammatoire et ne
bouge guère. - Elaterum est plus humide, et a ses
éjections verdâtres, violentes et muqueuses. -
Colocynthis a aussi une étiologie par colère réprimée.
Dans Les Crampes Douloureuses Et Paroxystiques
-
Cuprum est plus violent, facilement convulsionnaire et
présente des crampes qui ont tendance à irradier. -
Plumbum cherche à rentrer le ventre comme pour insérer son
nombril entre les corps vertébraux. Sa sciatique est plus
chronique, plus progressive et s'accompagne d'une
amyotrophie. - Cocculus a des nausées, le mal des
transports, et des frissons. Il n'aime pas sortir à l'air
libre. Il a les pattes coupées par l'émotion. - Bryonia
ne bouge pas, et quand il boit, il boit comme un trou. -
Chamomilla est un violent méchant, qui pique sa crise après
une colère, et fait de la diarrhée. - Dioscorea se
redresse et cherche à se plier en arrière.
2 –
Antidotes
Camphora; Causticum, Coffea;
Staphysagria.
Chamomilla; Opium. Cocculus.
X - CONCLUSION
Grands Signes d'Appel du Remède
Amélioration par
la pression forte. Suite de colère de vexation ou de
frayeur. Diarrhée flatulente, de suite après manger et
après boire.
- Keynotes s'il y a lieu.
- Profondeurs d'action du remède.
- Caricature (si possible
aussi par espèces).
XI - CAS CLINIQUES
"QUELLY" EST VEXÉE : UNE JUMENT À COLIQUES
Pâques
1992. Madame A.J., d'Illkirch-Graffenstaden, m'appelle :
sa jument "Quelly" (Selle Français, de 10 ans) fait une
grosse crise de coliques. Au manège, lors du dressage, elle
a eu un gros conflit avec sa maîtresse et cavalière, jeune
femme gentille, mais pas très patiente. Trois mois
auparavant, la jument avait déjà eu une crise de coliques.
Cette dernière avait été très violente, et avait duré plus
de trois jours. Elle avait fait suite à un coup de badine
sur les oreilles, reçu 48 heures auparavant, et cédé après
administration de purgatifs allopathiques, et de plusieurs
injections d'antispasmodiques. Je ne puis recueillir de
signes cliniques valables. Il reste à pousser
l'interrogatoire. Madame J. me décrit sa jument comme une
"caractérielle" et me dit :
"Si j'arrive un peu en retard
pour le travail, "Quelly" m'accueille mal. C'est comme si
elle disait : c'est pas le moment ! Maintenant je mange mon
foin ! On l'a achetée quand elle avait 9 mois. Elle ne
connaît que nous. Elle est très gentille mais imprévisible.
Elle est toujours "sur l'œil" ! On doit toujours rester sur
ses gardes avec elle. Il arrive qu'elle ne bronche pas
lorsqu'un gros camion passe, mais qu'elle saute en l'air
pour un papillon ou une fleur qui bouge dans le vent. Au
pré, elle est impeccable, plus calme etc.". Elle est vorace,
et tape sur la porte quand c'est l'heure de manger. Elle est
très agressive envers les autres chevaux. Quand elle a des
coliques, elle marche très raide et traîne un peu
l'arrière-train. Finalement, seule "l'étiologie" peut
mettre sur la voie du remède homéopathique. Il y a une suite
de vexation. La prescription est donc osée, mais peut se
révéler payante. Une dose de Staphysagria 9 CH reste sans
effet. Alors je fais donner entre lèvre inférieure et
gencive une dose de "X" en 9 CH. "Quelly" semble se
calmer un peu après dix minutes. Vingt minutes plus tard,
elle élimine une crotte dure et la crise est terminée. Sa
maîtresse, revue aujourd'hui, m'annonce fièrement que "Quelly"
n'a plus refait de crise de coliques depuis, et qu'elle se
porte bien. Elle ajoute, ensuite : "Je crois que je fais
aussi plus attention avec elle, lors des séances de
travail".
Quel était le remède ? "Colocynthis"
évidemment. Précisons que la violence de la première crise
de coliques aurait pu faire penser à Colocynthis (jument
pliée en deux, ou en chien assis ? mais, soit cette modalité
n'avait pas été notée, soit on avait oublié de me la
mentionner malgré mes questions)
Jacques Millemann,
Soultz-sous-Forêts le 18/09/94 in "Dynamis".
|